Cet article a été publié en partenariat avec Fractale, le magazine qui fait bouger les lignes. Pour lire l’article sur le site de Fractale, cliquez ici.
Entreprendre autrement ou le témoignage d’une consultante en entrepreneuriat social qui se désole de constater qu’un grand nombre d’initiatives (pourtant potentiellement géniales) ne voient pas le jour à cause d’une vision biaisée de l’entrepreneuriat indépendant.
Quand j’ai décidé de créer ma boite, je n’avais aucun problème avec l’idée de devenir une entrepreneure indépendante, ni d’être seule à la tête de mon (début d’) entreprise.
J’y voyais le meilleur moyen d’être libre de faire les choses à ma façon. D’utiliser pleinement mes aptitudes et ma créativité, avec une activité sur-mesure. D’arrêter les compromis entre profit et impact social (l’une des raisons pour lesquelles je ne voulais plus être salariée!).
Certains de mes amis m’ont demandé : « n’as-tu pas peur de te sentir seule ? ». Ce n’était pas du tout le cas, car être entrepreneur indépendant ne veut pas dire travailler seul !
Indépendant, pas isolé
En tant qu’entrepreneur, on doit nécessairement interagir avec des clients, et des prospects. On peut aussi travailler avec des experts pour certains aspects qu’on préfère externaliser (juridique, comptabilité, webdesign, entre autres). Et, plus important encore, cela ne nous empêche pas de collaborer avec d’autres initiatives pour créer des partenariats, co-créer, et grandir !
J’ai ensuite réalisé que mes amis n’étaient pas les seuls à avoir une image biaisée de l’entrepreneuriat indépendant. C’est aussi le cas dans mon domaine d’expertise, l’entrepreneuriat social.
Indépendant mais social ?
Dans l’écosystème de l’entrepreneuriat social – où la collaboration est une des valeurs centrales, et où l’impact sur la vie d’autrui est la première des priorités – « indépendance » et « social » peuvent sembler incompatibles.
Beaucoup pensent qu’avoir un impact positif sur le monde n’est, par définition, PAS le travail d’un seul homme. Qu’il est impossible d’initier un changement sans avoir plusieurs cofondateurs, et une équipe conséquente pour assurer un impact le plus large possible.
Je comprends que ça puisse sembler logique. Cependant, il est important de rappeler aux aspirants entrepreneurs sociaux que toutes les initiatives doivent commencer quelque part ! Et qu’elles ne peuvent pas avoir un impact global immédiat.
Il est bien plus viable de commencer petit, de perfectionner la solution jusqu’à ce qu’elle soit duplicable, et enfin d’amplifier son impact en passant à plus grande échelle. Avoir une grande équipe dès le départ est une erreur. Et des co-fondateurs, pas une nécessité absolue !
Muhammad Yunus a bien démarré seul (envers et contre tous). Cela n’a pas pour autant mis la Grameen Bank à risque, ni limité l’impact global que son initiative a eu par la suite.
Les conséquences de cette mauvaise perception
Dans le cadre de mon activité de consultante en entrepreneuriat social, j’offre chaque mois 5 séances de consulting gratuites à des aspirants entrepreneurs du changement. Au cours des 12 derniers mois, j’ai donc diagnostiqué les idées de social business de plus de 60 individus, de 27 pays différents. Quel que soit leur culture d’origine, une majorité ne conçoit pas de se lancer « seul ». Or, il est difficile de trouver des partenaires fiables, surtout lorsque son projet est encore « flou ».
J’ai réalisé que cette question d’indépendance en début de projet bloque de nombreux entrepreneurs sociaux potentiels :
- Parce qu’ils pensent qu’ils ne peuvent pas avoir un impact à moins d’avoir des cofondateurs,
- Parce qu’ils ont peur de se sentir/d’être seuls,
- Parce qu’ils se sentent intimidés à l’idée de lancer leur propre initiative.
A cause de ces blocages, un grand nombre d’initiatives (pourtant potentiellement géniales) ne voient pas le jour.
Il est vrai que, lorsqu’on se lance en tant qu’entrepreneur indépendant, la peur de l’échec est démultipliée. On associe systématiquement notre propre personne à la réussite (ou non) de notre initiative. Soit. Est-il pour autant judicieux de baser une décision aussi stratégique sur ses peurs ?! Le fait de démarrer une initiative seul ou avec des cofondateurs ne devrait pas être un choix basé sur un manque de confiance en soi ou l’anticipation d’une solitude potentielle.
Si tous les individus ayant la motivation de créer des initiatives impactantes arrêtaient de chercher tant bien que mal à constituer une équipe dès le départ – et se concentraient plutôt sur la mise en action de leurs idées – il y aurait sans aucun doute de nombreuses « success stories » supplémentaires dans le monde, qui tourneraient sûrement un peu plus rond.
Les avantages de l’entrepreneuriat indépendant
Si, après avoir lu la première partie de cet article, vos croyances limitantes sur l’entrepreneuriat indépendant commencent à s’estomper, voici de quoi finir de vous convaincre.
Voici 5 avantages à devenir entrepreneur indépendant lorsqu’on veut avoir un impact positif dans le monde :
- Vous pouvez créer une initiative 100% alignée avec votre personnalité, vos motivations, vos valeurs et votre mission de vie. Puis l’adapter au fur et à mesure à la demande jusqu’à ce que vous trouviez votre « sweet spot », et ainsi assurer que votre initiative soit durable (cf. La raison n°1 de séparation des cofondateurs étant l’inadéquation du projet avec les aspirations de chacun, lorsque celui-ci doit évoluer).
- Vous pourrez choisir jusqu’où et à quelle vitesse vous souhaitez aller. Quelle quantité de travail vous souhaitez investir, et garantir votre équilibre de vie (cf. La raison n°2 de séparation des cofondateurs étant le ressentiment/la culpabilité envers l’intensité du travail de chacun).
- Vous n’aurez pas besoin de débattre pour savoir qui parlera à telle conférence ou qui sera interviewé par tel média (cf. La raison n°3 de séparation des cofondateurs étant le fait qu’une personne prend nécessairement l’ascendant sur l’autre, même dans une collaboration 50/50).
- Vous atteindrez l’équilibre financier bien plus rapidement que s’il fallait partager chaque euro en deux (voir plus), et pourrez réinvestir le profit restant dans votre cause – plutôt que dans de nombreux salaires.
- Une fois votre indépendance financière assurée, vous vous sentirez réellement comblé et à votre place. Vous pourrez vous projeter dans le moyen et long terme, sans aucune restriction.
Libre à vous, une fois que votre stratégie validée avec l’assurance d’un certain nombre de clients, d’embaucher pour faire grandir votre équipe… Ou de faire appel aux services d’autres entrepreneurs pour déléguer certains aspects de votre business et vous concentrer sur votre cœur d’expertise, pour amener votre impact à l’échelle supérieure.
L’entrepreneuriat indépendant est dans l’air du temps
Certains pionnier comme OuiShare à Paris développent « des incubateurs des personnes, et non de start-ups » . Aux États-Unis, et de plus en plus à travers le monde, le « développent personnel » prend de l’ampleur. L’entrepreneuriat indépendant apparait comme une des solutions phares pour s’épanouir dans son travail. Internet permet et accentue ce phénomène.
L’ entrepreneuriat social 2.0
Internet a révolutionné l’entrepreneuriat, permettant à un individu de lancer une initiative avec (très) peu d’investissement, tout en étant capable d’interagir avec des millions de bénéficiaires potentiels partout dans le monde…
Au delà de cette transformation « matérielle », je suis persuadée qu’Internet révolutionne aussi notre relation au travail : chaque individu peux donner voix à ses opinions, afficher ses compétences, et se connecter avec d’autres, sans avoir besoin de passer par le prisme d’un employeur.
Imaginez un monde où chaque individu peut utiliser pleinement ses aptitudes, en créant son activité « sur mesure ».
Un monde où on n’attend pas du gouvernement ou des corporations de fournir des emplois, mais où chacun peut créer sa propre activité. Un monde où chaque individu peut collaborer avec d’autres, même à l’autre bout de la planète – pour co-créer des solutions aux problèmes globaux, et les implémenter ensuite localement. Un monde où chacun travaille près de chez-soi, dans des espaces de co-working connectés, conviviaux, et inspirants. Un monde avec moins d’entreprises inhumaines, et plus d’individus épanouis, créatifs et rayonnants.
Cela peut prendre bien des formes
- Certains vendent des produits issus de l’agriculture biologique / du commerce équitable.
- Certains font la promotion de style de vie plus sain.
- Certains mettent en relation des personnes riches avec les personnes les plus pauvres de la planète.
- Certains valorisent l’entrepreneuriat féminin, ou permettent la scolarisation des filles.
- Certains soutiennent les personnes âgées isolées.
- Certains innovent afin de combattre le chômage.
- Certains partagent leur expertise afin de changer la vie d’autres, à l’autre bout du globe…
Libre à chacun de créer le changement qu’il veut voir dans le monde. A sa hauteur, et à sa façon !
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